Alors que les élections municipales approchent, il est important de rappeler les enjeux et grandes questions qui risquent de revenir sur la place publique au cours du prochain mandat de nos élus. Économie, environnement, accès au logement et à la propriété… Les quatre années qui s’amorcent promettent d’être bien remplies pour ceux qui seront de retour comme pour ceux qui effectueront leur premier tour de piste en politique municipale.
Agrandissement du terminal à conteneurs du Port de Montréal
Amorcé en 1988 avec l’acquisition de ses terrains de Contrecœur, le projet de l’Administration portuaire de Montréal (APM) a franchi d’importantes étapes au cours des dernières années, mais une dernière porte doit être traversée avant sa concrétisation.
Avec des élections en vue, le gouvernement fédéral s’est montré frileux à l’idée de causer d’autres remous du côté environnemental. Avec un nouveau mandat en poche, le Parti libéral et son nouveau ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques Steven Guilbault vont-ils avoir la témérité d’aller de l’avant et de lever la dernière barrière au risque de donner un choc à un écosystème unique et fragile? L’APM en est convaincue, semble-t-il, puisqu’elle a déjà lancé son appel d’offres international pour la réalisation des travaux.
Au total, rappelons que le coût de l’expansion est estimé entre 750 et 950 millions de dollars. L’APM peut compter sur un financement de 300 millions de dollars provenant de la Banque d’investissement du Canada.
François Legault n’ayant pas caché son intention de privilégier le développement économique à l’environnement, le Port de Montréal recevra également 55 millions de dollars de Québec pour financer le coût des travaux préparatoires du site. L’APM paiera la balance des travaux estimés à 111 millions de dollars.
Avec des promesses de création d’un millier d’emplois et des commerces qui ont déjà choisi de placer leurs jetons dans le secteur, jamais un projet n’aura autant fait miroiter la possibilité d’un tel essor économique dans la région. Mais à quel prix?
Gestion du transport lourd
Le développement de la zone industrialo-portuaire implique un accroissement important du transport maritime, ferroviaire et sur les routes qui sont déjà, faut-il le rappeler, bien encombrées. À ce chapitre, l’administration contrecœuroise s’en remet au ministère des Transports et à l’APM qui seraient en négociation concernant l’adoption d’un éventuel trajet.
Mais le MTQ, par le passé, ne s’est pas toujours montré transparent dans sa démarche ou concerné par les préoccupations des citoyens. Cette fois-ci, le scénario sera-t-il différent?
Entretemps, on peut se demander si la Ville de Boucherville et son voisin varennois vont réussir à faire modifier le trajet ferroviaire afin de diminuer les risques et atténuer l’impact de la multiplication des convois sur les résidents.
Si l’on se fie aux propos du maire Damphousse, les chances sont faibles de voir ce souhait se réaliser. Il sera par ailleurs intéressant de suivre le dossier du prolongement du REM. Rappelons que l’administration municipale de Sainte-Julie aimerait bien que ce projet se concrétise sur son territoire.
Quant à l’impact du transport maritime sur les berges, certains riverains de Varennes, de Contrecœur et de Verchères ont déjà pris les choses en main en s’aventurant dans une démarche judiciaire qui les oppose au gouvernement fédéral et à l’administration Trudeau.
Auront-ils gain de cause devant la justice?
Accès à la propriété, au logement et densification urbaine
Malgré la pandémie, le marché de l’immobilier a connu une année folle. De nombreux Montréalais ont quitté leur île pour la banlieue et les promoteurs ont fait des affaires d’or. Mais l’étalement urbain et la densification de la population ne viennent pas sans effets pervers marqués notamment par une pénurie de logements, un accès à la propriété de plus en plus ardue pour les jeunes et les gens de la classe moyenne ainsi qu’une montée en flèche du coût de la vie pour les familles qui souhaitent trouver un toit.
Au cours des dernières années, les propriétaires ont eu les bonnes cartes en main pour procéder à des « rénovictions » injustifiées et mettre sur pied des projets sans avoir à se soucier de leur acceptabilité sociale.
Dans le meilleur des mondes, on peut espérer que, à la suite de la récente décision de la juge Florence Lucas, la récréation est terminée pour ceux qui ont profité de la situation pour s’en mettre plein les poches.
On peut également souhaiter que les initiatives de logements sociaux et de résidences pour personnes âgées, comme celles mises de l’avant à Saint-Amable, vont se multiplier au cours des prochaines années. Mais même avec les meilleures intentions, un changement significatif de la situation semble peu probable sans l’adoption de mesures qui pourraient être vues comme radicales et un sérieux coup de barre de la part de Québec.
Pénurie de main-d’œuvre
La pandémie a eu un impact majeur sur plusieurs industries qui vont devoir retomber sur leurs pattes au cours des prochaines années. La culture et le milieu touristique ont notamment fait les frais de cette période durant laquelle les affaires tournaient au ralenti. Mais le plus grand problème auquel les entreprises doivent faire face à court et moyen terme demeure le manque de main-d’œuvre, notamment en ce qui a trait au commerce de détail. Lorsqu’une pharmacie Jean Coutu ou un Tim Hortons doit sabrer dans ses heures d’ouverture, faute d’employés, on peut se poser des questions.
À ce chapitre, la PCU fut une arme à deux tranchants. Le retour sur le marché de l’emploi des travailleurs qui en ont bénéficié demeure une préoccupation majeure si l’on veut espérer une reprise adéquate après cette période de vaches maigres que nous venons de traverser.
Relance de l’industrie agroalimentaire de Saint-Amable
Avec un conseil réélu sans opposition, Stéphane Williams aura les coudées franches afin de poursuivre son plan de relance d’une industrie qui, 15 ans plus tard, ne s’est toujours pas remise de la crise du nématode doré.
43 millions de dollars de pertes et une centaine d’emplois perdus plus tard, il semble que l’ambitieux plan mis sur pied par le maire et son équipe est sur le point de porter ses fruits… ou ses tubercules dans ce cas bien précis.
La construction d’une nouvelle usine répondant aux règles de l’économie circulaire et le développement d’une production complémentaire pourrait permettre à la Ville, habitée par de nombreuses jeunes familles, de retrouver sa place sur l’échiquier de la production alimentaire.
Fiscalité et quai municipal à Verchères
Alors qu’à Varennes, on travaille à moderniser les infrastructures et à redessiner le centre-ville afin que ces derniers soient adaptés aux besoins inhérents à la croissance que connaît la Ville, à Verchères, le dossier de la réfection du quai demeure un enjeu important. Il y a quelques mois, la Municipalité a proposé à ses résidents un plan de revalorisation du secteur, mais les annonces tardent à venir du côté d’Ottawa. La récente élection favorisera-t-elle l’avancement de ce dossier?
Entretemps, le maire Bélisle doit faire face au défi fiscal qu’affrontent les petites municipalités dont le territoire est majoritairement agricole, et ce, malgré le développement industriel et économique dont profitent aujourd’hui d’autres Villes de la MRC.
Heureusement, le Programme de compensation aux municipalités rurales pour la protection du territoire agricole pourrait notamment assurer à Verchères et à Calixa-Lavallée une redistribution de sommes qui vont contribuer au maintien de l’esprit unique qui anime ces communautés.
Incendies criminels et sécurité publique à Contrecœur
Au point de vue des drames, les dernières saisons ont constitué une annus horribilis pour Contrecœur qui fut l’hôte du 12e féminicide survenu au Québec en 2021 ainsi que d’une fusillade qui aurait pu coûter la vie à un jeune garçon.
Ce qui peut laisser perplexe, c’est l’absence de progrès apparent dans le dossier des incendies criminels qui ont frappé plusieurs établissements de restauration de la région. Après avoir été ciblés à deux reprises, les propriétaires du Pizz Contrecœur ont décidé de jeter l’éponge et de faire raser l’immeuble qui abritait leur restaurant. Ces dernières semaines, le Bailey’s fut à son tour pris pour cible à deux reprises par les pyromanes.
Rappelons que de tels actes ont également été perpétrés ces dernières années contre des établissements de Montréal, Pierrefonds, Valleyfield, Drummondville, Saint-Félix-de-Valois, Saint-Roch-de-l’Achigan, Val-David, Cowansville, Beloeil, Plessisville… Mais la Sûreté du Québec ne veut toujours pas s’avancer et établir formellement un lien entre tous ces événements pourtant similaires sur plusieurs points.
Leadership et démocratie
Au cours des dernières années, la mairesse de Sainte-Julie Suzanne Roy a exercé un leadership positif au sein de la MRC. On peut se demander qui, après son départ, va assumer ce rôle.
La pandémie nous a par ailleurs permis d’apprécier l’accès privilégié à l’appareil démocratique que nous ont offert les diffusions en ligne des séances du conseil. Si certaines villes se sont montrées plus opaques dans la gestion de leurs affaires, d’autres en ont profité pour se montrer plus transparentes et donner à leurs citoyens la possibilité d’occuper un rôle plus actif dans leur démocratie.
Certaines administrations ont choisi, une fois la pandémie terminée, de mettre fin à la diffusion des séances, mais les élus réfractaires à la captation sonore et vidéo des assemblées devront accepter la présence des caméras et cellulaires à l’hôtel de ville.
La ministre des Affaires municipales Andrée Laforest a en effet assuré l’adoption d’une série d’amendements au projet de loi 49 qui devrait forcer les administrations à faire preuve d’une plus grande transparence.
Les conseils municipaux ont toujours le loisir de réglementer l’usage de caméras et de cellulaires, mais ne pourront les interdire sans motif valable.
Il sera intéressant par ailleurs de suivre le débat sur la rémunération des maires qui a fait jaser dans la région au cours des dernières années.
Rio Tinto et la Colonie des Grèves
La Ville de Contrecœur et l’entreprise Rio Tinto Fer et Titane vont croiser le fer au cours des prochains mois à propos du terrain vendu par la Colonie des Grèves à la multinationale.
L’entreprise installée à Sorel, dont le complexe métallurgique est classé cinquième plus grand pollueur de la province, pourrait utiliser ce terrain afin d’agrandir son imposant dépôt de résidus miniers qui atteindra éventuellement sa pleine capacité. Mais cette idée est loin de plaire à nombre de citoyens qui ne veulent pas d’un dépotoir à ciel ouvert sur le territoire.
En considérant l’ascendant du géant métallurgique au sein du conseil d’administration de la Colonie des Grèves et le biais favorable dont elle semble bénéficier auprès de certaines personnalités médiatiques du milieu journalistique sorelois, on peut se demander qui, à la suite du départ du conseiller Denis-Charles Drapeau du C.A., sera là pour parler au nom des Contrecœurois.
Rainette, chevalier cuivré et réchauffement climatique
À moins d’une nouvelle catastrophe aux dimensions pandémiques, l’environnement devrait demeurer le sujet majeur dans le discours politique au cours des quatre prochaines années et ce, tant sur le plan fédéral que sur le plan provincial et municipal.
Alors que nos élus à Québec et Ottawa sont hésitants à l’idée d’aborder certaines questions touchant à la protection des espèces menacées afin de ne pas nuire à de lucratifs projets industriels, des groupes de citoyens continuent de militer afin que la question demeure à l’avant-plan de la discussion publique. Mais sans les imposants moyens dont disposent les entreprises, il n’est pas toujours aisé de se faire entendre.
Dans une région au sein de laquelle l’industrie agroalimentaire occupe une place importante, l’impact des réchauffements climatiques va par ailleurs continuer de planer sur la tête des agriculteurs, déjà mis à rude épreuve au cours de la dernière décennie, comme une épée de Damoclès.
Les mesures adoptées par nos élus au cours de leur prochain terme afin de garder ce secteur à flot risquent donc d’être cruciales au maintien d’une saine économie. On peut espérer que, en dehors du greenwashing et des beaux discours, ceux qui vont nous représenter à compter des élections du 7 novembre vont faire preuve de transparence et développer une vision à long terme allant bien au-delà des quatre prochaines années.