Itinérance : du café et de la bienveillance

Ali Dostie
Itinérance : du café et de la bienveillance
Mélissa et Marie-Josée Sansoucy. (Photo : Le Courrier du Sud – Ali Dostie)

Dans le coffre ouvert de sa voiture garée devant les campements près de la Halte du Coin, un thermos de café, du chocolat chaud et des pâtisseries. Au-delà de cette collation populaire malgré les 12 degrés de cette soirée du 27 février, c’est un brin de jasette, du temps et de la considération que Marie-Josée Sansoucy donne aux itinérants.

«Ça fait longtemps que tu campes ici?» demande Mme Sansoucy au jeune homme à qui elle tend un verre de café.
Il dort à la Halte depuis peu, et fait part de ses recherches infructueuses pour se trouver un toit. «Il y a des logements à 700 ou 800$, c’est trop cher. Et c’est tellement petit, je ne pourrais pas avoir un coloc», dit-il.

Les boissons chaudes – garnies de crème fouetté si souhaité – sont tellement les bienvenues que Mélissa Sansoucy, qui accompagne sa mère, fera entretemps une course au Tim Hortons pour revenir avec une autre carafe de café.

Personne ne refuse une pâtisserie. Par politesse, plusieurs disent qu’entre un beignet et un roulé aux fraises, peu leur importe, mais Mme Sansoucy insiste : choisis !

Rester positif

La Longueuilloise croit reconnaître un homme qui s’approche. Elle le pensait présent au repas de Noël organisé par Les Bienveillants des rues de Longueuil, le regroupement citoyen qu’elle a fondé.


«Ben non, j’étais à l’hôpital!» lance-t-il. Il a subi une violente attaque à l’arme blanche et a perdu l’usage d’un œil. Il poursuit des démarches avec une travailleuse sociale pour obtenir des indemnisations de l’IVAC. Il a perdu son emploi, sa femme l’a laissé.

«Ah moi, ça va bien. Je reste toujours positif», exprime-t-il néanmoins, lorsque Mme Sansoucy lui souligne la chance qu’il soit en vie.
Dalton, lui, était bel et bien présent au repas des fêtes. «Je suis contente de te voir», lui dit Marie-Josée Sansoucy.

Même s’il s’est trouvé une chambre depuis deux mois, l’homme parle de «ses tentes», ne manquant pas de préciser qu’il est connu de tous dans les alentours de la Halte du Coin, ressource dont «il est barré». «En mars, ils veulent enlever les tentes. On a encore du chemin à faire», signifie celui qui restera aux côtés de Mme Sansoucy et de la journaliste durant presque toute la visite, sans même prendre de café.

Lorsque Guy, un grand homme souriant et un peu timide, s’approche, Dalton le désigne comme «le plus vieux» du groupe. Difficile de savoir s’il est question d’âge ou plutôt d’un triste record d’«ancienneté», alors qu’il vit dans la rue depuis 20 ans.

«Je vis sur le bord de l’eau, mais je viens ici aux deux jours, pour donner signe de vie. Il faut être un peu social pour ne pas devenir sauvage», témoigne-t-il.

Éducation populaire
À l’exception d’une pause prise pour des raisons familiales, Marie-Josée Sansoucy tente d’effectuer de telles visites de façon hebdomadaire.

Elle aimerait bien que d’autres bénévoles se joignent à elles, alors qu’une mobilisation citoyenne avait fait naître les Bienveillants des rues de Longueuil, en novembre.

«Personne ne peut dire que ça ne lui arrivera jamais [de tomber dans la rue]», exprime-t-elle, alors qu’une mauvaise nouvelle et de la malchance peuvent suffire à tout faire basculer.

Elle appelle à une plus grande solidarité à l’égard de cette population vulnérable, victime de persistants préjugés.

«Il y a beaucoup d’éducation populaire à faire», estime Mme Sansoucy, constatant que le syndrome «pas dans ma cour» demeure très fort. Un discours qui résonne, alors que la Halte du coin, qui sera démolie au printemps, devra déménager.

«Dans une situation de crise, tu ne sais pas comment tu vas réagir, renchérit Mélissa, la fille de Mme Sansoucy. Oui, ça se peut que pour passer la nuit, tu vas prendre de la bière ou de la drogue.»

Cette dernière a été intervenante au sein du même organisme que sa mère, qui a œuvré dans le milieu communautaire pendant plusieurs années.

L’éducation populaire doit aussi s’adresser, croit Marie-Josée Sansoucy, aux personnes sans-abri. «Il faut leur faire comprendre qu’il faut s’aider entre voisins», souligne-t-elle.

Et plusieurs sont enthousiastes à l’idée de contribuer, observe-t-elle. «Ils sont gentils et reconnaissants. Ils sont heureux de participer à la vie citoyenne, ça leur donne confiance.»

Pour plus d’information : page Facebook Bienveillants des rues de Longueuil

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