Une marée verte « pour que les choses changent »

Ali Dostie
Une marée verte « pour que les choses changent »
(Photo : Le Courrier du Sud - Denis Germain)

La marina de Longueuil et les abords du parc Marie-Victorin ont viré au vert en ce matin du 21 novembre, premier de trois jours consécutifs de grève du Front commun.
D’abord au parc Le Moyne, puis marchant en masse jusqu’à la marina, des centaines de membres du Syndicat des professionnels et professionnelles de la Montérégie (regroupant notamment les Centres de services scolaires (CSS) Marie-Victorin, des Patriotes, des Grandes-Seigneuries et Vallée-des-Tisserands) se sont fait entendre.
Le manque de soutien aux enseignants ressort comme l’une des principales motivations à la mobilisation.
«On est des psychoéducateurs, des psychologues, on est le service que les enseignants réclament», a lancé une manifestante, entourée de ses collègues.
Mélina Letarte, qui enseigne aux élèves de 4 ans, partage au Courrier du Sud les fruits de sa discussion avec une collègue qui enseigne au 3e cycle.
«Quand on parle de soutien, ça prend plus d’orthopédagogues. Un jeune de 10 ans, qui ne sait pas lire, on fait quoi avec lui?» questionne-t-elle.
À bout
Les enseignants témoignent également de ceux qui «tombent au combat», épuisés.
Daniel Choquette Riel, du CSS des Hautes-Rivières, évoque le recrutement difficile et cite le «taux effarant» de jeunes enseignants qui quittent la profession.
«De plus en plus de profs d’un certain âge arrêtent et vont travailler ailleurs, car ils ne sont plus capables», témoigne pour sa part Paule, du CSS Hautes-Rivières. Les jeunes font exode, et les plus âgés font exode. Ça ne se voyait pas avant.»
Après 17 ans d’enseignement, Mélina Letarte fait le choix de poursuivre sa carrière dans le milieu, bien que les répercussions puissent être importantes.

«J’ai décidé de continuer à travailler, quitte à devoir prendre des congés de maladie.»

-Mélina Letarte


Elle rapporte qu’il peut être assez facile pour un enseignant d’obtenir un arrêt de travail. «Si tu dis au médecin que tu es enseignante, il va te demander, veux-tu un arrêt de travail. Le système de santé nous comprend.»
Karine Lamarre a connu les casse-têtes de la gestion d’une classe de primaire, avec les élèves en difficulté, les nombreuses matières à maîtriser. Une réalité difficile au point où elle a démissionné. Elle s’est laissé convaincre par un retour en éducation comme enseignante dans une classe d’accueil.
Des répercussions
Ces jours de grève se traduisent inévitablement par une perte de salaire pour les travailleurs. Aux yeux des grévistes rencontrés, l’enjeu ne semble pas trop préoccupant, pour l’instant.
«On est rendus là. Les votes de grèves sont sortis très forts. Ça montre une volonté de se mouiller. Il faut que les choses changent», soutient Daniel Choquette Riel, enseignant au CSS des Hautes-Rivières.
«On ressent beaucoup de frustration face aux dépenses du gouvernement», renchérit sa collègue Paule, qui tient une pancarte dénonçant les milliards à Northvolt et les millions aux études pour le troisième lien, ceux engloutis dans le «fiasco de la SAAQ» ou encore ceux qui seront versés pour deux matchs des Kings de Los Angeles à Québec.
Quelques manifestants arboraient d’ailleurs le chandail à l’effigie de cette équipe de hockey.
Avec ses 17 ans d’expérience, Mélina Letarte reconnaît pour sa part qu’elle n’est pas celle qui est le plus affectée par quelques jours sans salaire. «Les répercussions, ce sont pour les contractuels», estime l’enseignante du CSS Marie-Victorin.
Elle déplore le faible niveau des salaires pour ceux qui entament leur carrière d’enseignant, à coup de contrats.
«Le salaire de base, c’est 53 500$. Avec une dette universitaire, ça ne marche pas, lance-t-elle. Ils n’y arrivent pas. Certains quittent pour retourner à une job étudiante, parce que c’est plus payant. C’est ça, la précarité.»
Aux yeux de Karine Lamarre, enseignante au CSS Marie-Victorin et mère de trois enfants, ça deviendra un autre enjeu» si la grève se prolonge ou se transforme en grève générale illimitée.
Pour la maman, ces premiers jours de débrayage se gèrent plutôt bien, alors que le plus vieux peut garder ses deux jeunes sœurs. Tous trois ont d’ailleurs participé à la manifestation.
«Ils le vivent avec moi, pour aujourd’hui. Mon plus vieux était motivé», dit-elle. À ses côtés, Raphaël, frappait à l’aide de deux baguettes sur le fond d’une chaudière de plastique, en guise de tambour.

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