La courte gloire du Bouchervillois Étienne Desmarteau, premier médaillé d’or olympique du Canada

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Par Steve Martin, Initiative de journalisme local
La courte gloire du Bouchervillois Étienne Desmarteau, premier médaillé d’or olympique du Canada
Étienne Desmarteau au lancer de poids des Jeux olympiques de Saint-Louis en 1904. (Photo : Encyclopédie du Canada)

Alors que les regards se tournent vers nos représentants à Pékin, il est bon de se rappeler d’Étienne Desmarteau, ce Bouchervillois qui, en 1904, fut le tout premier athlète à remporter une médaille d’or pour le Canada.

On sait peu de choses sur les origines de cet athlète né Joseph-Étienne Birtz à Boucherville, le 4 février 1873. Deuxième enfant d’une fratrie comptant sept bambins, le futur policier et héros olympique était toujours en couche lorsque ses parents, Caroline Dubuc et le cultivateur Étienne Birtz, ont quitté la Rive-Sud pour s’établir à Montréal.

Peu inspiré par les études, le jeune homme fut d’abord employé comme ouvrier-fondeur par la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique.

« À l’époque, il était considéré comme un costaud et il était plus grand que les autres, explique Patrice Fontaine, coordonnateur au Panthéon des sports du Québec. Il était en fait dans la lignée des Louis Cyr et Victor Delamarre. On sait qu’il a travaillé dans une fonderie, alors on se doute qu’il pratiquait un métier assez exigeant physiquement. C’est par la suite, qu’il est été recruté par les forces policières de Montréal. »

Fort, rapide… et prompt

Décrit comme un collègue respecté ayant fait la preuve de sa bravoure à plus d’une reprise dans l’exercice de ses fonctions, l’agent Desmarteau est également reconnu, suite à son arrivée au sein des corps policiers en 1901, pour son charactère parfois prompt. Présumons qu’avec sa stature, peu d’hommes ont dû lui tenir tête bien longtemps.

À cette époque, les services policiers pratiquent par ailleurs certaines activités sportives et organisent des compétitions durant lesquelles la recrue semble s’être vite fait remarquer par ses prouesses sur le terrain.

« Il était fort, mais il avait aussi de la vitesse, ajoute M. Fontaine. C’est ce qui a fait qu’il a attiré l’attention du Montreal Amateur Athletic Association qui est le plus ancien club sportif au Canada. C’était un club multisports installé sur la rue Peel. Les membres faisaient de la raquette, du vélo, du football… C’est à cet endroit qu’Étienne Desmarteau a été exposé à l’athlétisme. »

Grâce à sa force et son agilité, le colosse de la caserne No 5 de la rue Chenneville aurait ainsi, dans les années ayant suivi son recrutement, participé à des jeux policiers et autres compétitions non seulement à Montréal et Toronto, mais également chez nos voisins du sud. « Je crois d’ailleurs qu’il est allé à Boston, New York et Philadelphie », avance Patrice Fontaine.

Saint-Louis, Missouri

Une année après avoir joint les rangs des défenseurs du droit et de l’ordre, le colosse de plus de six pieds et 208 livres se classe, en 1902, premier au championnat du monde junior et au championnat mondial poids lourd au lancer du marteau.

Mais malgré son potentiel, ses employeurs s’opposent farouchement à sa volonté de participer aux Jeux olympiques de Saint-Louis en 1904. Notre homme fort choisit pourtant de faire fi d’un ultimatum qui laissait peu de place à l’interprétation.

« À l’époque, ce n’était pas structuré comme aujourd’hui, rappelle M. Fontaine, avec des délégations officielles, comme ç’a été le cas plus tard. Il fallait que les athlètes paient les coûts de leur voyage. Comme la police ne voulait pas le libérer ou le commanditer, c’est le Montreal AAA qui a décidé de l’appuyer financièrement. Il s’est donc rendu à Saint-Louis contre le gré de ses employeurs qui lui ont dit : « Si vous vous absentez, lorsque vous allez revenir, vous n’aurez plus accès à votre emploi ! » »

À Saint-Louis, peu d’athlètes présents, incluant les Canadiens en quête d’une première médaille d’or, étaient en mesure de se mesurer aux Américains sur leur propre terrain. En particulier en athlétisme où les représentants du pays de l’Oncle Sam raflent 67 des 74 médailles remises durant la compétition, incluant 23 des 25 médailles d’or.

Seuls l’Irlandais Tom Kiely au décathlon et Étienne Desmarteau au lancer du poids de 56 livres ont su déjouer les pronostics et gravir la première marche du podium. Grâce à un puissant jet de 34 pieds et 4 pouces, notre représentant a ainsi battu les favoris locaux John Flanagan et James Mitchel. Pour le Québec, bien avant les années de gloire de la Sainte-Flanelle, cette victoire marque la naissance d’un rare héros canadien-français de l’avant-guerre.

Partir en paria, revenir en héros

Après les jeux, le journal La Presse accueille le « champion de l’univers » à son retour au bercail.

« Quand il est rentré à Montréal, il a reçu un accueil triomphal, relate Patrice Desmarteau. Et soudainement, la lettre de congédiement signée par ses patrons avait disparu (rires). On pratiquait déjà le hockey à l’époque, mais les George Vézina et les futurs héros du Canadien n’étaient pas encore à l’œuvre. C’est comme ça qu’Étienne Desmarteau est devenu un de nos premiers grands champions. Au Québec, nous avons dû attendre Sylvie Bernier à Los Angeles en 1984 pour avoir notre deuxième médaille d’or aux jeux d’été. Gaétan Boucher a aussi remporté sa médaille en 1984, mais c’était aux jeux d’hiver. »

Desmarteau n’en était pas à son dernier exploit sportif puisque, le 26 juillet 1905, il brise le record du lancer du poids de 56 livres, en hauteur cette fois, avec un tir de 15 pieds et 9 pouces.

Si flamboyante fût-elle, la gloire aura cependant été de courte durée. Un an à peine après son exploit, le premier médaillé d’or canadien décède après avoir contracté la fièvre typhoïde. « Ç’a été un décès assez soudain, explique le spécialiste. George Vézina est aussi décédé des suites de la typhoïde, mais il a eu une carrière plus longue, une famille et une vie dont il a davantage pu profiter. »

Le coordonnateur du Panthéon des sports rappelle par ailleurs que, si le décès d’Étienne Desmarteau n’est pas passé sous silence en 1905, il n’a pas non plus été oublié depuis. « Il y a des infrastructures qui portent son nom, rappelle-t-il. Aux jeux de 1976, les compétitions de basketball avaient lieu au Centre Étienne-Desmarteau. Il y a aussi le centre de la rue Bellechasse qui porte son nom et un parc tout près. »

Si vous faites partie des gens qui connaissent des détails sur la famille d’Étienne Birtz/Desmarteau et ses racines dans la région, écrivez-nous à lareleve@lareleve.qc.ca

 

 

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