Migrants haïtiens : les Bouchervillois soufflent le chaud et le froid

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Par Diane Lapointe
Migrants haïtiens : les Bouchervillois soufflent le chaud et le froid
Viellda Fabien en compagnie de son enfant Rood Dieurry a accepté de nous parler de sa situation. (Photo : Diane Lapointe)

L’arrivée des demandeurs d’asile à Boucherville a enflammé les réseaux sociaux. La Ville a même dû retirer certains commentaires malveillants, voire racistes, sur sa page Facebook, mais dans la rue, le climat est plus conciliant.
La Relève a rencontré des résidents du Vieux-Boucherville, secteur où est située la résidence Havre de la Providence transformée en refuge depuis le 11 août dernier. Si la majorité d’entre eux démontre de la compassion envers les migrants, elle a cependant de la difficulté à accepter leur entrée illégale au pays. Nous avons également discuté avec quelques-uns des migrants qui vivent d’espoir.
Jacqueline St-Amand qui habite juste en face de la résidence Havre de la Providence n’est aucunement importunée par leur arrivée. « Ils sont très gentils et polis. Ils nous disent bonjour ou nous saluent de la main.» Elle croit que des voisins ont paniqué un peu trop vite. « Ils ont installé sur le terrain d’une des deux résidences multifamiliales, des pancartes où il était inscrit «terrain privé». Ils ne faisaient qu’emprunter le trottoir privé pour se rendre à l’autre rue.»
Madeleine Lagarde, pour sa part, a même offert ses services bénévoles de couturière, ainsi que de petites poupées qu’elle a confectionnées pour les enfants. « Je ne suis pas surprise. Je voyais le Havre de la Providence vide et je me demandais pourquoi on n’y accueillait pas des Haïtiens. » La dame qui habite sur cette rue a également offert un don à la Croix-Rouge pour les aider. « Je me mets à leur place et je ne les blâme pas. Mais j’en veux au gouvernement haïtien et à Trump qui veut les foutre dehors. »
Sous le couvert de l’anonymat, un Bouchervillois du quartier dit se questionner sur « le genre de message qui est envoyé par le gouvernement aux personnes qui cherchent à immigrer par la voie légale, et qui sont en attente d’une réponse positive durant plusieurs années. »
Florence Junca Adenot qui réside à proximité admet qu’il est délicat de parler de cette situation. « C’est du monde malheureux et ce n’est pas de leur faute si le président Trump brandit la menace de les mettre dehors des États-Unis. Ils n’ont pas eu une vie agréable jusqu’à maintenant et ils cherchent à améliorer leur sort, c’est humain. » Cela dit, elle adresse des reproches sur la façon dont leur arrivée ici a été orchestrée. « Sans avertir personne (La Ville ne l’a appris que deux jours avant), il y a eu une directive d’imposer et d’implanter, sans connaître le milieu, 300 personnes (soit 10 % de l’ensemble des demandeurs d’asile) dans un petit secteur encastré. Ça crée de l’inquiétude et de l’incertitude. »
Mme Junca Adenot précise que « sans préavis, cela correspond à autant de monde que tous les résidents du Vieux-Boucherville. »
Le CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, qui coordonne cette opération, refuse d’indiquer le nombre de migrants accueillis au Havre de la Providence. Si la durée moyenne de séjour pour chaque personne est d’un mois, l’établissement servira de refuge tant que la demande sera là, indique Emmanuelle Paciullo, responsable des communications.

Terre d’espoir
Pierre Nelson arrive de la Caroline du Nord. Il n’a appris que mercredi dernier que les chances que sa demande d’asile soit acceptée n’étaient que de 50 %. « Même si ce n’est pas garanti que l’on puisse demeurer au Canada, c’est quand même plus rassurant pour nous d’être ici actuellement, car l’administration de l’autre côté voulait nous expulser. C’est la raison pour laquelle nous sommes si nombreux ici. Et il y a un vieux proverbe qui dit «Qui ne risque rien n’a rien .»
Il rêve d’une vie meilleure et remercie sa terre d’accueil. « Je ne sais pas quel mot je dois employer pour exprimer l’accueil chaleureux que nous avons eu. Les gens de la Providence sont gentils et dévoués à nous.», dit celui qui travaillait dans le milieu de la restauration.
Entre Haïti et les États-Unis, Jean-Pierre Jacques, rencontré devant le supermarché Maxi, a d’abord fait une route qui a duré cinq mois. « Je suis passé par le Brésil, le Pérou, l’Équateur, la Colombie, le Panama, le Costa Rica, puis jusqu’au Mexique, et finalement en Floride, où je vivais, avant de chercher refuge au Canada. » Il n’avait pas d’emplois là-bas et il a bénéficié de l’aide financière d’amis pour pouvoir arriver ici.
Viellda Fabien, 25 ans, et son fils d’un an et demi, Rood Dieurry, sait que sa demande d’asile peut être refusée, mais elle s’accroche. À Myrtle Beach, elle vivait avec sa tante et ne travaillait pas. Ici, elle espère pouvoir retourner aux études pour apprendre un métier, et peut-être même se marier. Elle a quitté Haïti en 2015 pour vivre quelque temps au Brésil, puis au pays de l’Oncle Sam.
Pour se distraire un peu, les demandeurs d’asile se retrouvent au centre commercial sur le boulevard du Fort-Saint-Louis, ou au Parc de la Mairie. « Ils achètent de petites choses et nous paient, pour la plupart, en argent américain » disent des employés du Dollarama et de la pharmacie Pharmaprix. « Il y a quelques migrants qui viennent manger au restaurant. Ils sont polis et gentils. Il n’y a rien de négatif à dire. Je comprends qu’ils ont besoin d’aide », ajoute une employée de Pizza Express.

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