Katryne Parenteau : femme, pionnière et pilote de glace

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Par Steve Martin, Initiative de journalisme local
Katryne Parenteau : femme, pionnière et pilote de glace
Katryne Parenteau à bord d’un de ces immenses navires qu’elle doit amener à bon port. (Photo : courtoisie)

Pour la Verchéroise Katryne Parenteau, briser la glace n’est pas qu’une métaphore pour décrire le fait qu’elle soit une pionnière dans un milieu éminemment masculin, il s’agit de la réalité on ne peut plus concrète d’une partie de son travail qui l’occupe quelques mois par année.

Katryne Parenteau s’est joint aux cadets de la marine alors qu’elle avait 12 ans, une expérience qui allait changer sa vie et aiguiller son destin. « C’est là que j’ai développé ma passion, nous confie celle qui porte également le titre de coordonnatrice à la navigation chez Petro-Nav.  J’étais dans le groupe des manœuvriers. J’ai appris à faire des nœuds, à reconnaitre les pavillons et tout ce qui était lié au domaine maritime. J’ai aussi fait des stages en mer, sur des navires-écoles, en Colombie-Britannique notamment. Ç’a été super intéressant. J’ai beaucoup appris! »

Souhaitant entreprendre une carrière dans le milieu, celle qui habite aujourd’hui Verchères a par la suite décidé de délaisser le monde militaire pour plutôt bifurquer vers la marine marchande. C’est ainsi que, depuis quinze années, cette jeune maman d’un garçon de quatre ans a fait ses classes en occupant différents postes avant de se voir confier, en décembre 2013, les responsabilités inhérentes à la position de pilote de glace, une fonction qu’elle serait possiblement la première femme sur la planète à exercer.

« Je suis la première femme au Canada à être pilote de glace et probablement au monde. Je n’ai pas été capable d’en trouver une autre. En fait, j’ai été la seule à pratiquer ce métier jusqu’à cette année puisqu’une autre Catherine s’est jointe à nous! »

Les dangers d’un hiver plus doux

Il faut dire que l’estuaire du fleuve Saint-Laurent est un endroit unique qui peut présenter, durant la saison hivernale, un défi particulier pour les navigateurs qui osent s’y aventurer avec leurs cargaisons. Le rôle du pilote de glace est de se joindre à l’équipage de navires étrangers afin de les aider à se rendre à bon port.

« On m’appelle pour me donner la date, l’heure et le lieu d’embarquement à bord du navire, explique Katryne. La dernière fois par exemple, j’ai dû quitter à 6 h 30 du matin pour me rendre à Halifax.  J’ai attendu l’arrivée de mon navire et j’ai pris un petit bateau pour me rendre à sa rencontre dans l’Atlantique. Une fois à bord du navire, je discute avec le capitaine. Je regarde avec lui la carte des glaces et je lui explique comment nous allons procéder. »

Un hiver plutôt doux, comme celui que nous venons de traverser, vient par ailleurs avec son lot de défis, et ce, malgré une glaciation plus superficielle qu’à l’habitude. « S’il y a de la glace, je vais demeurer dans la timonerie pour faire la navigation, mais s’il n’y a pas de glace sur le fleuve, il faut que l’on m’assure qu’il n’y a pas de freezing spray. C’est ce qui se produit lorsqu’il y a de bonnes vagues et du vent. Ça fait comme un grésil de gouttelettes d’eau qui embarquent à bord du navire et ça peut geler et s’accumuler. Si ça arrive, ça peut entraîner un surplus de poids considérable qui va jouer sur la stabilité du navire et rendre impossible l’utilisation de certains appareils. Ça peut devenir dangereux. »

Sang froid et esprit de collaboration

Afin de bien s’acquitter de ses responsabilités, Katryne croit qu’il faut d’abord savoir faire preuve de résilience, tout en étant capable de travailler avec tout le monde. « Je peux travailler sur des navires russes, indiens, philippins, turcs… Bien souvent, ce sont des équipages de différentes nationalités. Il faut donc s’adapter à différentes cultures et à différents types de nourriture. Parce qu’une fois à bord, on mange ce qu’on nous sert! (rires). »

La Verchèroise admet par ailleurs qu’une grande partie de son travail consiste à gérer le stress des marins qui, dans certains cas, peuvent ne jamais avoir navigué dans la glace auparavant et peuvent avoir été marqués par les images d’un film comme Titanic!

« Il faut leur expliquer que le golfe du Saint-Laurent, ça n’est pas l’Arctique. Il n’y a pas de vieille glace, que de la glace neuve, et même si elle peut être très épaisse, il n’y a pas vraiment de danger, à condition de faire certaines choses. »

Malgré la présence rarissime de femmes à des positions de commandements, Katryne admet en outre que le milieu est peut-être moins discriminatoire qu’on ne pourrait l’imaginer. « Au Canada, on a beaucoup de navigatrices, mais sur les navires étrangers, c’est plutôt rare, explique-t-elle. Mais ça n’est pas macho pour autant. C’est certain que le titre de pilote de glace me donne une certaine autorité, mais en dehors de ça, j’ai toujours été super bien traitée. Pourtant, j’ai parlé avec d’autres pilotes qui ont pu vivre des histoires d’horreur. Il faut dire qu’entre hommes, excusez-moi l’expression, mais «on joue à qui peut faire pipi le plus loin» (rires). On dirait qu’avec une femme, ils n’ont pas besoin de se prouver. Certains peuvent être sceptiques en me voyant arriver, mais quand ils s’aperçoivent que je sais de quoi je parle, la tension tombe. »

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