Loi sur les espèces en péril: Ottawa tente de ménager la chèvre et le chou

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Par Steve Martin, Initiative de journalisme local
Loi sur les espèces en péril: Ottawa tente de ménager la chèvre et le chou
(Photo : environnement.gouv.qc.ca)

Après avoir omis d’appliquer sa propre Loi sur les espèces en péril (LEP) dans le dossier du chevalier cuivré en 2012, le gouvernement fédéral a corrigé la situation la semaine dernière. Mais parallèlement, Ottawa serait tout de même sur le point de donner son aval au projet d’agrandissement du terminal à conteneurs du Port de Montréal dans sa forme actuelle, et ce, malgré les risques que ce dernier pose pour la survie du poisson en danger d’extinction.

Ciblé par une action légale intentée par des organismes voués à la protection de l’environnement, dont la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP), Ottawa a publié vendredi un projet d’arrêté ministériel afin d’officialiser l’obligation de conserver intact l’habitat essentiel du chevalier cuivré. Ce dernier se limite à une portion du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Richelieu.

En vertu de la LEP, Ottawa aurait dû poser ce geste dans les 180 jours suivant le dépôt du texte définitif du programme de rétablissement du chevalier cuivré dans le registre public des espèces en péril, dépôt qui a eu lieu le 20 juin 2012. Une action concrète aurait donc dû être posée avant le 17 décembre 2012, mais pour une raison toujours inexpliquée, cette démarche n’a pas eu lieu plus tôt.

Quoique tardive, une telle décision devrait, selon toute logique, avoir des conséquences sur l’agrandissement du terminal à conteneurs du Port de Montréal à Contrecœur. Or, les représentants fédéraux ont également annoncé « qu’on ne s’attend pas à ce qu’un promoteur de projet ait à supporter une charge administrative accrue à la suite d’un arrêté du conseil sur l’habitat essentiel », une remarque qui a de quoi laisser perplexe les électeurs préoccupés par la protection de l’environnement et la transparence de leurs représentants.

Un passe-droit pour le port?

Le gouvernement libéral a par ailleurs réitéré que le décret ne devrait pas avoir de répercussions considérables sur l’examen du projet présenté par l’Administration du Port de Montréal (APM) pour son terminal de Contrecœur.

Rappelons que ce projet de plus de 750 millions de dollars a reçu l’appui du gouvernement fédéral via un investissement de 300 millions de dollars de la Banque de l’infrastructure du Canada.

On peut donc se demander à ce stade comment l’administration Trudeau parviendra à respecter son engagement environnemental et sa promesse faite aux administrateurs du port.

« Ça semble arrangé à l’avance avec le gars des vues », a affirmé Alain Branchaud, directeur général de la Société pour la nature et les parcs (SNAP) lors d’un entretien accordé à La Presse. Le décret couvre tout l’habitat essentiel. C’est solide, ça correspond à ce qu’on s’attend. Mais en même temps le gouvernement dit à l’avance qu’il va autoriser le projet de Contrecœur avant même qu’on lui ait fait la demande! »

Le biologiste met par ailleurs en doute la validité du plan proposé afin de compenser la perte d’habitat du chevalier cuivré. « On dit qu’on va compenser, mais on n’a aucune expertise scientifique pour le chevalier cuivré, a poursuivi M. Branchaud. Ce n’est pas sérieux! On est dans une crise de biodiversité et on fait encore des niaiseries comme ça, ça n’a pas de bon sens. »

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