Les citoyens du secteur du parc Normandie sont sous le choc, et se sentent floués. Le maire Jean Martel de son côté s’est dit abasourdi et trahi par la décision du Centre de services scolaire des Patriotes (CSSP) de transformer la future école primaire présentement en construction en école transitoire, et non en école de quartier comme cela avait été promis aux citoyens.
En 2023, la Ville a cédé une partie de ce parc pour permettre la construction d’une école de proximité, à échelle humaine après avoir mené d’importantes consultations publiques. Le projet avait suscité des débats, certains résidents étant inquiets de la perte d’espace verts, tandis que d’autres se réjouissaient de l’arrivée d’une école tant attendue dans ce secteur situé au sud du boulevard de Mortagne, encore dépourvu d’établissement primaire.
«On a travaillé fort pour aller chercher l’acceptabilité sociale. Ce n’était pas évident. Il y avait des citoyens contre le projet, mais on a réussi à bâtir un consensus», rappelle le maire Jean Martel en entrevue avec le journal. «Et maintenant, on apprend que cette école-là ne servira même pas au quartier. C’est une trahison», lance-t-il, visiblement ébranlé
Les parents du secteur ont reçu un courriel du CSSP seulement hier (19 juin) les informant qu’à partir de 2026, l’école en construction ne serait pas une école de quartier, mais une école transitoire qui accueillera temporairement des élèves d’autres écoles en rénovation, pendant au moins six ans. Selon le maire, la Ville n’a été informée de cette décision que ce matin à 8h05, bien après les conseils d’établissement, qui en auraient été saisis le 11 juin.
«Qui a pris cette décision? Est-ce que c’est de la mauvaise foi? Est-ce de la négligence? On ne le sait pas, mais une chose est certaine : le Centre de services scolaires vient de briser le lien de confiance qu’il avait avec la Ville», laisse-t-il tomber.
Jean Martel note d’ailleurs que cette annonce survient en pleine période de transition à la direction générale du CSSP, alors que Luc Lapointe quitte ses fonctions et que Nathalie MacDuff prend la relève. «C’est quoi cette décision-là? Je n’en reviens pas. La prochaine fois que je vais m’asseoir avec le centre de services scolaire, ce sera pour qu’ils nous disent qu’ils reviennent à la vocation initiale de l’école.»
Le maire ne cache pas non plus sa frustration face au silence de la députée Nathalie Roy. «Où est la députée? Je ne suis pas impressionné. C’est bien beau d’être présidente de l’Assemblée nationale, mais qu’elle vienne assumer ses fonctions de députée dans son comté. Si je n’ai pas de nouvelles, je vais convoquer une séance spéciale du conseil municipal pour lui demander de se lever et d’agir. C’est bien beau faire des voyages en Europe, mais ici, on a besoin d’elle.»
La Ville exige que le CSSP revienne à la vocation initiale prévue pour cette école : un établissement de quartier à échelle humaine, comme inscrit dans la résolution du conseil municipal ayant permis la cession du terrain.
Pétition
Des citoyens s’organisent. Carole Cartier a lancé une pétition ce matin. À peine quelques heures plus tard, on compte 289 signatures. Ils dénoncent ce virage inattendu. Ils rappellent qu’en mars 2023, lors d’une consultation conjointe entre la Ville et le CSSP, il était clairement question d’implanter une école de quartier dans le parc de Normandie.
«C’est un choc pour les familles, plusieurs se sentent flouées», résume un parent du secteur. Certains résidents affirment avoir acheté leur maison dans l’espoir de voir leurs enfants fréquenter une école à proximité. D’autres s’inquiètent de l’augmentation du trafic dans le secteur, causée par des élèves transportés et venant de d’autres quartiers.
«Cette décision a été reçue comme un choc et une injustice par de nombreuses familles, notamment celles qui résident dans le secteur directement concerné par la nouvelle école. Depuis plus de vingt ans, ce quartier attend avec patience et espoir une école de proximité. Aujourd’hui, alors qu’elle est enfin construite, on annonce qu’elle ne sera pas accessible aux enfants du quartier… pour une durée indéterminée», déplore Ève Deslauriers-Côté.
«En tant que résidente du quartier Normandie, je suis profondément choquée. Cette école nous avait été présentée comme un projet de proximité, favorisant la marche, limitant le trafic, s’intégrant à la vie du quartier. Or, il s’avère aujourd’hui que ces promesses étaient vaines. Ce changement de vocation a été décidé sans transparence, sans consultation, sans égard pour les familles concernées», expose pour sa part Lidia Ferreira.
À l’époque, plusieurs citoyens avaient exprimé des inquiétudes quant à l’achalandage routier, mais ils avaient été rassurés : la grande majorité des élèves seraient des marcheurs, disait-on.
«Pourquoi ce changement fondamental n’a-t-il pas été abordé à ce moment-là? Se questionnent-ils. Ce manque de transparence est inacceptable et effrite la confiance envers le CSSP, peut-on lire dans le texte accompagnant la pétition. Pour tous les enfants qui s’étaient imaginés marcher vers l’école au cours des prochaines années, c’est inadmissible. Pour les familles qui ont déménagé dans le quartier précisément pour cette proximité, c’est extrêmement décevant. »
«On nous présente l’école transitoire comme une innovation, une bonne nouvelle, mais c’est surtout un changement de cap malhonnête de la part du centre de service scolaire et une décision tellement irrespectueuse des citoyens et surtout des petits citoyens du quartier », illustre l’instigatrice de la pétition Mme Cartier.
«Opposons-nous à ce changement de cap qui affectera toutes les familles de Boucherville! Demandons à la CSSP de faire mieux, de respecter ses engagements et d’effectuer les travaux nécessaires dans les autres écoles sans toutefois priver les jeunes du quartier de Normandie d’avoir accès à une école à proximité », conclut-elle.
Le journal a tenté de joindre le CSSP ce matin et attend toujours un retour afin d’obtenir davantage d’informations au sujet de cette décision.