L’Autorité des marchés publics (AMP) reproche à la Ville de Boucherville de ne pas avoir respecté certaines règles dans le cadre de l’octroi du contrat pour la construction du complexe multisport. L’administration municipale se défend et maintient avoir agi de bonne foi et dans l’intérêt de la population.
À la suite d’une dénonciation, l’AMP a examiné le processus d’octroi du contrat et en est venu à la conclusion que la Ville a enfreint le principe de l’égalité de traitement des soumissionnaires ainsi que l’intégrité du processus contractuel.
L’organisme public pointe particulièrement une entente conclue avec le Groupe Geyser, le plus bas soumissionnaire conforme.
«Cette entente, conclue après réception des soumissions, visait à prolonger la période de validité de l’offre et à repousser le début des travaux, en contrepartie d’une compensation financière de 2 399 792 $, s’ajoutant au prix initial de 44 474 629 $», écrit l’AMP dans un communiqué de presse.
Selon l’organisme, cette démarche a compromis l’équité entre les soumissionnaires.
Boucherville déçue
Le directeur général de la Ville de Boucherville, Roger Maisonneuve, dit accueillir avec déception les conclusions de l’AMP, et affirme que l’administration municipale a toujours agi dans l’intérêt public et dans le respect des règles de saine gestion financière «en maintenant le projet à un coût raisonnable et en maximisant les possibilités de subvention.»
Une décision liée à une subvention espérée
En entrevue au journal, M. Maisonneuve a rappelé que le premier appel d’offres, lancé en 2022, avait été annulé en raison de coûts jugés trop élevés, soit près de 51 M$ incluant les taxes. Un deuxième appel d’offres, lancé en août 2023, a permis d’obtenir une soumission plus basse, à environ 44,4 M$ (taxes incluses), de la part du Groupe Geyser.
Or, entre la réception des soumissions et l’adjudication du contrat, Québec a lancé le Programme d’aide financière aux infrastructures récréatives et sportives, offrant un soutien financier pouvant aller jusqu’à 20 M$.
Pour demeurer admissible à cette aide, explique-t-il, la Ville ne devait pas attribuer le contrat avant d’avoir reçu une réponse du ministère de l’Éducation.
C’est dans ce contexte, dit-il, qu’il a convenu d’une entente avec le plus bas soumissionnaire afin de prolonger la validité de sa soumission et de reporter le début des travaux, en échange d’une compensation éventuelle, à discuter à la fin du contrat, se situant entre 1,6 M$ et 2,4 M$.
Le projet n’a finalement pas été retenue pour être subventionné.
Une entente administrative, selon la Ville
M. Maisonneuve précise que cette entente n’a jamais été approuvée par le conseil municipal ni incluse dans le contrat officiellement octroyé en août 2024.
«Le contrat a été octroyé tel que soumis. La compensation éventuelle est une discussion administrative entre moi et l’entrepreneur. Elle sera évaluée à la fin du chantier, en fonction des impacts réels du report», insiste-t-il.
La Ville assure qu’elle s’est appuyée sur une opinion juridique, émise par le cabinet Bélanger Sauvé, pour valider la légalité de cette démarche. Elle déplore par ailleurs que cette opinion transmise à l’AMP ne soit pas mentionnée dans sa décision.
Une obligation
L’AMP mentionne qu’une fois les soumissions reçues, un organisme municipal ne peut modifier les conditions de l’appel d’offres ni celles des soumissions avant l’attribution officielle du contrat.
L’AMP dit «déplorer un manque de transparence dans la déclaration du montant réel du contrat, car la compensation financière n’a jamais été déclarée dans le Système électronique d’appel d’offres du gouvernement.»
L’AMP recommande à Boucherville de renforcer ses pratiques et d’offrir une formation appropriée à son personnel en gestion contractuelle.
Formation continue
Le grand patron de la Ville assure que les employés municipaux sont toujours en formation. «Pas plus tard qu’hier, j’étais en formation avec mes équipes pour la gestion contractuelle et faire attention à toutes les choses. En donner plus, je n’ai aucun problème avec ça. Ce n’est pas une conclusion qui est très lourde lourde à appliquer.»
«Mais ce qui nous déçoit, c’est le portrait incomplet que trace l’AMP. Certains faits ont été omis dans la décision», soutient M. Maisonneuve.
Enfin, la Ville indique être en discussion avec ses avocats pour analyser la suite à donner au dossier.