Fusions, défusions : 20 ans plus tard

François Laramée. De l’Initiative de journalisme local
Fusions, défusions : 20 ans plus tard
(Photo : Diane Lapointe)

« Dans les circonstances, nous sommes allés chercher le meilleur pour Boucherville », Jean Martel, maire

En 2001, le gouvernement du Parti québécois de l’époque imposait des fusions forcées à plus d’une centaine de villes au Québec. Sur la Rive-Sud, le tourbillon des fusions entrainait huit municipalités (Boucherville, Brossard, Saint-Bruno-de-Montarville, Saint-Lambert, Longueuil, Saint-Hubert, Greenfield Park et LeMoyne) dans le giron d’un nouveau Longueuil, pour former, le premier janvier 2002, une mégaville de plus de 400 000 citoyens répartis dans sept arrondissements.
Vingt ans plus tard et après la défusion, en 2006, de quatre des huit villes (Brossard, Boucherville, Saint-Bruno-de-Montarville et Saint-Lambert) à la suite du référendum tenu en 2004 ainsi qu’à la création d’une agglomération, comment s’en tirent les villes de la Rive-Sud aujourd’hui ?
Difficile de tracer une ligne claire, mais deux constats s’imposent. Les fusions municipales ont eu un coût important, résultat direct entre autres des nombreuses mises à niveau des échelles salariales des différents employés municipaux de plus petites municipalités, dont le salaire était moindre que ceux de Longueuil, principalement. Avec la fusion, les cols bleus, les cols blancs, les pompiers et policiers des petites villes ont tous vu leurs salaires grimper tout comme leurs fonds de pension, ce qui a eu un impact direct sur les dépenses des villes.
Une mégastructure administrative a été mise en place en 2002 pour gérer une ville de 400 000 citoyens, mais quatre ans plus tard, ladite structure n’a jamais été dégonflée pour autant.
Boucherville
Dans le cas de Boucherville, le pacte fiscal a clairement fait en sorte que Boucherville s’en tire mieux même si 44 à 45 % des revenus de la Ville vont à l’agglomération de Longueuil pour la fourniture des services partagés, dont la police, les pompiers, l’évaluation municipale, le transport en commun, le traitement des eaux et l’alimentation en eau potable, la gestion des matières résiduelles, la Cour municipale, le logement social et des sans-abri ainsi que le développement économique.
Le maire de Boucherville, Jean Martel, estime que Boucherville, dans les circonstances, est allé chercher le mieux qu’il était possible d’obtenir. « Nous avons connu des jours sombres lors des fusions forcées en 2002. J’ai eu de la peine et je n’ai pas hésité à me joindre aux manifestants et à brandir ma pancarte pour demander au gouvernement du Parti québécois de « ne pas toucher à mon Boucherville ».
En défusionnant officiellement en 2006, les Bouchervillois ont donc retrouvé leur identité municipale, un élément très important et en renégociant, un peu plus tard, le fameux facteur de potentiel fiscal (à .48), nous avons pu retrouver les revenus de nos parcs industriels, entre autres, à un niveau plus juste.
Malgré certaines demandes récentes d’autres villes de l’agglomération pour rouvrir le pacte et pour revoir les quotes-parts des villes liées, le maire Martel est catégorique, « il n’en est pas question » dit-il, qui rappelle du même souffle que la population de Boucherville représente 10 % de la population de l’agglomération alors que la contribution de Boucherville représente 15 % du budget global de la structure régionale. « L’élastique du compromis est étiré au maximum », dit le maire. Autre élément rassurant, la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, a indiqué la semaine dernière lors d’une entrevue qu’elle n’avait pas l’intention, elle non plus, de reconsidérer le pacte fiscal actuel.
Un budget qui a triplé
En 2002, la nouvelle Ville de Longueuil initialement formée par les municipalités fusionnées adoptait un premier budget d’exploitation de 382 millions de dollars pour la fourniture des services municipaux aux quelque 380 000 citoyens de la nouvelle ville.
Vingt ans plus tard, en additionnant environ 50 % des budgets des villes défusionnées, donc de Brossard, de Saint-Bruno-de-Montarville, Boucherville et Saint-Lambert, en ajoutant le budget de la Ville de Longueuil (formée depuis 2006 des villes de Longueuil, Saint-Hubert, LeMoyne et Greenfield Park) et en y additionnant le budget dédié à l’agglomération de Longueuil (de l’ordre de 407,6 millions $) le total de la facture s’élève maintenant à plus de 1,1 milliard de dollars pour la fourniture des mêmes services qu’en 2002.
Certes la population a augmenté en 20 ans, passant de 380 000 citoyens à 430 000, soit une croissance de 14 %. Il faut donc offrir les services municipaux à plus de citoyens, mais le budget a tout de même triplé ou presque en deux décennies… un peu loin d’une augmentation équivalente à l’inflation.
Les fusions et la création de l’agglomération auront, au final, amené des pompiers en caserne 24 heures sur 24. La police est maintenant dotée d’escouades SWAT et canine, mais en contrepartie, des villes telles que Boucherville, Saint-Bruno-de-Montarville et Saint-Lambert ont perdu leur poste de police local alors que certains postes de pompiers ont aussi disparu du décor local comme à Saint-Lambert par exemple.
Enfin, il faut ici rappeler qu’un des principaux objectifs des fusions forcées était de réduire les dépenses en fusionnant les différents services. Le second objectif était de partager la richesse foncière, donc de faire payer un peu plus les villes riches du territoire pour compenser les villes plus pauvres. Un des deux objectifs a été atteint!

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