Kim Thuy : les succès de ses échecs

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Par Diane Lapointe
Kim Thuy : les succès de ses échecs
Kim Thuy a rencontré ses fans bouchervillois. Elle a raconté sa vie qui va de rebondissement en rebondissement et ses échecs qui finissent toujours par se transformer en succès.

L’auteure chouchou des Québécois, Kim Thuy, était à la bibliothèque municipale de Boucherville mercredi dernier. Colorée et drôle, elle a raconté son histoire, et celle de ses succès et de ses insuccès devant cent personnes.

Du Vietnam qu’elle a fui avec sa famille dans un petit bateau de six mètres de long seulement, mais avec à son bord 218 personnes, à son arrivée ici. « Ma famille vient du sud du Vietnam, nous étions donc du côté des perdants de la guerre. Si on restait, on était morts. Nous étions en conflit avec la Chine, le Cambodge et nous n’avions plus le droit à la libre circulation.  En quittant le pays par la mer, on avait qu’une petite chance de survie, nous n’avions pas d’autres options.»

À son arrivée ici, dans un camp de réfugiés, son premier choc culturel, quoique positif, a été de « voir l’expression de l’amour que nous avons en Occident, tout le contraire de la culture asiatique qui apprend aux femmes à cacher leurs émotions », décrit-elle. « Dans les regards des gens qui nous ont soulevés dans leurs bras, j’ai senti toute l’affection. C’est comme ça qu’on tombe amoureux et c’est comme ça que j’ai appris le français. Je n’avais pas besoin de la Loi 101.»

L’auteure à succès a ensuite raconté qu’ici, pour ces réfugiés, l’éducation était le plus grand privilège qu’on pouvait leur donner. « Tout le monde voulait étudier en médecine, médecine dentaire ou en pharmacie. Ça représentait la stabilité. Moi, j’ai décidé d’étudier la littérature française et la traduction, alors que je ne maîtrisais ni le français ni l’anglais. À la fin de ma première session, mon professeur m’a conseillé de quitter la faculté. Il m’a mis la note zéro pour la maîtrise de la langue.»

Elle a pensé abandonner, mais elle est restée. « Je faisais honte à cette faculté. Au bout de trois ans, ils m’ont donné un diplôme par acharnement, dit-elle en riant. Ma moyenne de notes était tellement basse, que je ne pouvais plus étudier en sciences. Alors mes frères m’ont inscrite en droit. J’y suis allée, sans jamais rêver être avocate. Je ne sais pas pourquoi ils m’ont acceptée. Probablement qu’il y avait une politique de discrimination! Lorsque j’ai reçu mon premier chèque de paie comme avocate, je pensais que c’était une avance et qu’ils me payaient pour tout l’été. Je mettais tout en banque si bien que j’ai pu acheter ma première maison à 22 ans. »

Kim Thuy raconte aussi qu’elle est retournée travailler au Vietnam pour ses patrons qui croyaient qu’elle parlait bien le vietnamien. « Je ne pouvais pas les aider, je parlais le vietnamien de mes 10 ans », mais elle réussit, une fois de plus, à s’en sortir.

L’écrivaine se sent plus Québécoise que Vietnamienne; « Je suis comme une banane; jaune à l’extérieur, et blanche à l’intérieur! Et je suis tout le contraire de ce que l’on demande à une femme asiatique.» Elle est enthousiaste, partage sa joie et ne cache pas ses émotions. « J’essaie de vous remercier d’avoir parié sur nous les réfugiés, d’avoir pris le risque.  Merci. Vous avez réussi à nous rendre Québécois ». Puis, ajoute la cuisinière, l’ex-restauratrice, l’avocate, la traductrice et l’auteure réputée « je peux être une semence, mais sans un terreau fertile, je ne serais rien.»

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