Île Sainte-Thérèse : des propriétaires « sans papiers »

Photo de Diane Lapointe
Par Diane Lapointe
Île Sainte-Thérèse : des propriétaires « sans papiers »
Natasha Rousseau se bat avec une cinquantaine d’autres personnes pour conserver les chalets construits par leurs parents sur l’île Sainte-Thérèse.

Chassés et traités de squatteurs par le gouvernement du Québec qui considère qu’ils occupent illégalement leur terre, cinquante-trois résidents et leurs familles refusent de quitter l’île Sainte-Thérèse. Ils sont même déterminés à se rendre devant les tribunaux pour faire reconnaître leurs prétendus droits acquis de propriété sur la petite île située juste en face de Varennes, et où ils passent leur été depuis des décennies. Propriétaires ou squatteurs ? Le dossier fait des vagues plus que jamais.
L’histoire maintenant judiciarisée est complexe. En 2015, une centaine de résidents estivaux qui possèdent un chalet ont reçu un avis d’éviction du gouvernement du Québec, propriétaire depuis 1975 d’une grande superficie de l’île (soit environ les trois quarts).
Mais durant les années 1950, ils, ou leurs parents et grands-parents, ont construit sur des parcelles de terre, des chalets, pour la plupart modestes, avec la permission des propriétaires de l’époque, les frères de la congrégation du Très-Saint-Rédempteur, mais sans détenir de titre formel de propriété. « On n’est pas des squatteurs. On ne s’est pas installés illégalement », lance Natasha Rousseau qui occupe maintenant le chalet bâti par son grand-père en 1959.
En 1975, le gouvernement du Québec a exproprié les Rédemptoristes et est devenu propriétaire de l’île. Selon Mme Rousseau, il n’a jamais, à cette époque, contacté les propriétaires de chalets. Entre 1978 et 1999, les insulaires ont même payé des taxes à la Ville de Varennes et à la Commission scolaire. Ils ont aussi payé une taxe pour la collecte des ordures sur l’île en 1984, précise Mme Rousseau. « En 1998, la Ville a évalué mon terrain à 1200 $ et mon chalet à 8000 $. Nous sommes propriétaires de nos bâtisses, et nous revendiquons nos droits d’occupation et de propriété des terrains », explique-t-elle.
En 2015, après avoir reçu les avis d’éviction, les propriétaires « sans papiers » ont adressé au gouvernement une demande de régularisation pour acheter les terrains. La demande a été refusée et fut suivie peu de temps après d’un avis les forçant à quitter les lieux au plus tard le 1er mai 2016, rappelle l’insulaire. « Pour nous, c’est un avis d’éviction déguisé. »
Cinquante-trois propriétaires « sans papiers » ont alors mandaté des avocats pour tenter de faire reconnaître leur droit de propriété sur les terrains occupés depuis plus de 60 ans. Mais puisqu’il semble que la notion de droit acquis ne s’appliquerait pas sur les terres de l’État, et parce qu’ils s’étaient installés bien avant que le gouvernement soit propriétaire de l’île, la Cour supérieure devra sûrement se prononcer. Les occupants devraient rencontrer cet automne les procureurs de la Couronne pour exposer leur point. Enfin, puisqu’il est judiciarisé, le ministère des Ressources naturelles refuse de commenter le dossier.
Expulsés de l’île
Dans cette histoire, les vrais squatters, ceux qui avaient construit des camps sans permission vers 1996, soit la moitié des résidents qui ont reçu un avis d’éviction, ne se sont pas manifestés. Quelque 23 bâtiments illégaux et jugés à l’abandon ont été rasés en juin 2016 par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles. Il en reste encore une vingtaine.
De vrais propriétaires
Signalons que sur l’île, il y a huit ou neuf propriétaires légaux de lots de terrain et de bâtiments ainsi qu’un cultivateur qui cultive en alternance le maïs ou le soja.
Un grand parc
Rappelons par ailleurs qu’en 2013 le maire de Varennes, Martin Damphousse, et la mairesse de Repentigny, Chantal Rouleau, déclaraient dans un communiqué de presse que « le temps où cette île était fréquentée par des occupants sans droit va prendre fin. » Ils voulaient donner à l’île Sainte-Thérèse une vocation récréotouristique et redonner son accès aux citoyens de la communauté métropolitaine.

Partager cet article