L’alcool a brisé sa vie, mais l’amitié a redonné un sens à son existence

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Par Daniel Bastin
L’alcool a brisé sa vie, mais l’amitié a redonné un sens à son existence

C’est enfin le temps des fêtes, des célébrations et des réunions de famille. Si cette période bénie est synonyme de réjouissances, elle doit également nous rappeler certaines de nos responsabilités lorsque nous célébrons…

Nicole Coulombe est présidente d’Opération Nez rouge Contrecoeur-Varennes depuis maintenant neuf ans et son objectif premier, ainsi que celui de son équipe, est de sauver des vies grâce au service de raccompagnement. Lors du lancement de la campagne 2011, en novembre dernier au centre communautaire de Verchères, elle a demandé à Patrick Chaput, un accidenté de la route, de parler de son expérience afin de faire réfléchir et de sensibiliser les gens aux dangers de l’alcool au volant.

« Lui et sa conjointe ont dû reconstruire littéralement leur vie à la suite de l’accident. Leur vie a été complètement chamboulée…», mais la voix de Mme Coulombe s’est étranglée et elle n’a pu s’empêcher de verser quelques larmes, bien malgré elle, puisqu’elle s’est dite extrêmement touchée par l’épreuve que le couple de Longueuil a dû subir.

Un rêve qui tourne au cauchemar

L’homme de 34 ans s’est approché lentement du micro en boitant, signe que sa réadaptation n’est pas encore terminée. Tout au long de son témoignage, il ne s’est jamais déparé de son sourire, malgré les difficultés qu’a dû affronter le couple.

Il a parlé de la journée du 1er juillet 2006 qui a débuté comme un rêve, mais a fini en cauchemar.

Mordus de moto, lui et sa conjointe, Isabella Banky, étaient partis pour une belle randonnée en compagnie de l’ami de Patrick, Alain Neveu. Alors qu’ils entraient dans le village de Sainte-Mélanie, en haut de Joliette, un jeune automobiliste de 19 ans en état d’ébriété a subitement changé de voie en haut d’une côte, frappant de plein fouet Alain Neveu, puis la moto de Patrick et Isabella.

Le premier est décédé sur le coup. Quant au couple, ils avaient les os du côté gauche brisés et souffraient d’un traumatisme crânien. Patrick avait aussi des vertèbres fracturées dans le cou et il avait subi un accident vasculaire cérébral (AVC) puisque la sangle de son casque avait comprimé sa carotide droite.

Isabella était assise à l’arrière et elle a reçu la tête de son conjoint en plein visage, lui cassant les dents. Son visage était si enflé qu’à son réveil, dix jours plus tard, elle ne pouvait ouvrir les yeux. Elle a de plus souffert de multiples fractures, en plus d’un trauma abdominal. Le couple réalisera plus tard qu’un choc post-traumatique et des troubles cognitifs viendront s’ajouter à toutes les séquelles de ce violent accident.

Pour sa part, Patrick a refait surface le 29 juillet, lui qui avait été plongé par les médecins dans un coma artificiel. À son réveil, il apprend que son ami a été emporté par le drame et, depuis, il n’y a pas une journée qui passe sans qu’il pense à son ami d’enfance.

Trois ans…

« Si je suis toujours vivant, c’est peut-être pour sensibiliser les jeunes aux dangers de l’alcool au volant, à éviter de consommer si l’on conduit, ce n’est pas un bon mélange », a expliqué celui qui, paradoxalement, était conseiller en réadaptation à la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ)…

Sa tournée de conférence comprenait notamment un arrêt au Collège Saint-Paul de Varennes. « Lorsque j’aborde les jeunes, je leur dis :  » Essayez d’imaginer que vous aimez jouer au soccer ou faire de la trampoline et que, tout à coup, vous ne pouvez plus le faire. Moi, c’est la moto.  » »

« À la suite de l’accident, le processus de réadaptation a pris plusieurs années et il n’est pas encore terminé pour Isabella. Lorsque je fais mon témoignage, je ne pense pas juste aux jeunes. Ça s’applique à n’importe qui. »

« D’une certaine façon, j’ai été chanceux dans ma malchance parce que je suis encore en vie, ce qui n’est pas le cas de mon ami. J’avais 30 ans et ma conjointe 34, et nous avons dû reconstruire notre vie. À 30 ans, j’ai dû réapprendre à marcher, à parler, à m’habiller, à aller aux toilettes, à conduire. Tout. »

Le couple a témoigné au procès du jeune conducteur responsable de l’accident qui leur avait avoué que ce n’était pas la première fois qu’il conduisait en état d’ébriété…

La cause s’est conclue en avril dernier, après 57 longs mois de procédures. Le jeune a eu une sentence de trois ans d’emprisonnement, alors que son permis a été suspendu pour huit ans. Si Patrick et Isabella ont réussi à pardonner au jeune, le père et le frère d’Alain Neveu ont trouvé que ce n’était pas beaucoup pour quelqu’un qui brise ainsi des vies. Alain avait une conjointe, Sylvie Larin, qui demeure à Sainte-Julie, et un enfant qui avait neuf ans lors de l’accident.

Rendre hommage

C’est avec un large sourire qu’il a poursuivi : « Je suis bien heureux d’être encore en vie et avoir la parole, ce n’est pas rien. Mon ami, lui, n’est plus présent pour témoigner, pour dire que l’alcool brise des vies, alors je me suis donné comme mandat de rencontrer les gens pour les faire réfléchir. C’est une façon de rendre hommage à Alain. »

La mère de Patrick, Francine, a vécu cette période très difficilement, il va sans dire, d’autant plus que les médecins lui avaient dit qu’ils ne croyaient pas que son fils passerait à travers l’épreuve… Et s’il devait en réchapper, il ne pourrait plus marcher. Elle s’y est opposée de toutes les forces de son être.

La petite marche de Patrick vers le micro du Centre multifonctionnel de Verchères était donc une grande victoire pour lui et pour tous ses proches!

« Je suis heureux de constater qu’Opération Nez rouge contribue à sauver des vies, mais le message doit encore continuer à circuler. Idéalement, je souhaite qu’un jour, on n’ait plus besoin d’Opération Nez rouge. Peut-être qu’un jour, qui sait… », a-t-il conclu sous les applaudissements des personnes présentes à la conférence de presse, sans se départir de son sourire.

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